Depuis bientôt 28 ans !

Melisa Ozkul : « Ma relation avec le public a changé »

Originaire du Grand Chasseral, Melisa Ozkul, 28 ans, vient d’éditer sa première BD en solo. Petite, elle fréquentait le festival Tramlabulle, en compagnie de ses parents, pour rencontrer les artistes qui exerçaient une profession qui la faisait rêver.

« Simple » exposante l’an dernier lors de la 27e édition du festival international de bande dessinée Tramlabulle, elle participe cette année à la manifestation en tant qu’invitée. « J’ai toujours rêvé d’être autrice de BD, et ce depuis au moins mes 10 ans », débute Melisa Ozkul lorsqu’elle évoque ses souvenirs à propos du festival. Petite, ses parents l’accompagnaient à Tramelan, non pas pour chasser les dédicaces mais plutôt rencontrer des autrices et des auteurs confirmés qui pouvaient lui prodiguer de précieux conseils.

« À l’adolescence, j’ai rencontré Alain Auderset. Il dessinait en live, son dessin était projeté sur un écran. Je lui ai dit que je voulais faire de la BD plus tard. Lorsqu’il a constaté que je n’avais rien à lui montrer, il m’a encouragé à dessiner et à dessiner encore, à produire des planches. » À l’époque, la jeune fille suivait une formation de graphiste et avait mis de côté la bande dessinée. Après son diplôme, Melisa ne se sentait pas encore prête à intégrer le monde professionnel. Elle a donc suivi un Bachelor of Arts HES-SO en communication visuelle à l’HEAD Genève et un Diplôme ES Designer en communication visuelle à ESBDI. Elle a ainsi étudié la bande dessinée à haute dose, en multipliant les projets dont l’un d’eux a été remarqué par la maison d’édition La Joie de Lire. « Dans le cadre d’un workshop avec l’auteur Joe Sacco, les étudiants devaient rencontrer des réfugiés et raconter une histoire en trois pages. L’éditeur a choisi trois projets, puis nous avons travaillé à compléter nos récits initiaux », explique l’illustratrice originaire de Bévilard. Elle publie avec deux co-auteurs Trois Histoires de réfugiés.

Prix d’Excellence de la fondation Hans Wilsdorf

Toujours dans le cadre d’un travail de diplôme, l’artiste s’intéresse à la fin de vie. Elle réalise quelques pages sur l’histoire d’une vieille dame qui souhaite bénéficier de l’aide au suicide. Son travail lui permet d’être lauréate en 2022 du Prix d’Excellence de la fondation Hans Wilsdorf. L’HEAD Genève publie quelques pages sur son compte Instagram qui sont repérées par l’éditeur lausannois Antipodes. « Pendant deux ans, j’ai approfondi ce sujet. Même si je me suis basé sur des faits réels, l’histoire reste une fiction. En plus de témoignages, j’ai énormément lu d’articles scientifiques ou sociétaux pour construire mon récit. » Le dernier pétale de Rose est publié en 2025.

Melisa Ozkul n’est pas allé chercher très loin l’inspiration pour donner un visage à sa protagoniste principale, Rose. « À Genève, je vivais avec Françoise, je bénéficiais d’un programme qui permettait aux étudiants de loger chez une personne âgée en échange de menus services. Il y a une case où l’on aperçoit Rose devant sa fenêtre… C’est une scène réelle dont je me suis inspirée… » À travers son dessin, l’illustratrice évoque le deuil d’une manière abstraite, très poétique. « Je voulais amener une forme de beauté à travers la décision prise par Rose. » Dans le récit, la vieille dame a deux enfants : Alexis et Laura. Si le premier accepte assez vite le choix de sa maman, ce n’est pas le cas de la seconde. « Je me suis projeté moi-même sur cette question-là. Il y a une part de révolte, puis vient ensuite le temps de l’acceptation. »

Davantage de légitimité

Melisa a déjà présenté sa BD dans plusieurs festivals, les retours sont positifs. « Les proches de personnes qui choisissent le suicide assisté se rendent compte qu’ils ne sont pas les seuls à vivre cela. Une dame est venue me voir et m’a dit combien elle regrettait de ne pas avoir su aider un ami qui avait pris cette décision. Ma BD a agi sur elle comme une forme de rédemption. »

En 2025, la jeune autrice intègre donc le festival Tramlabulle en tant qu’invitée, ce qui démontre l’importance des manifestations de ce type pour faire rêver des jeunes à des carrières artistiques, loin des tentations apportées par l’IA. Pour Melisa, être autrice éditée modifie sa propre perception de son travail : « Ma relation avec le public change, on est davantage prise au sérieux. Même moi, j’ose cette fois me prétendre autrice. »

Cette nouvelle légitimité lui permet d’entrevoir la suite de sa carrière avec optimisme. Il se murmure que de nouvelles planches sont en cours de préparation sur sa table à dessin, mais nous n’en saurons pas davantage.